Interview d’Isabelle Sezionale sur C8

Interview d'Isabelle Sezionale sur C8

Interview d'Isabelle Sezionale dans l'émission " Touche pas à mon poste !" L’after animé par Eric Naulleau sur C8

Comment ont commencé ces agressions, ces viols, ces incestes, pour vous ?

(Pour regarder l'interview en vidéo cliquez ici )

 

Éric Naulleau

Comment ont commencé ces agressions, ces viols, ces incestes, pour vous?

Isabelle Sezionale

Je me souviens d'images, donc je ne peux pas dire exactement quand est-ce que ça a commencé, comment ça s'est passé. J'ai des flashes à intervalles, je ne sais pas, de mois ou d'années, enfin voilà, et donc j'ai exactement les scènes...

Isabelle Sezionale

Je les vois...Donc déjà, je suis dans un milieu très aisé. Je suis issue d'un milieu très aisé et une famille nombreuse, des employés de maison et beaucoup de monde autour de nous, voilà...

Isabelle Sezionale

Il s'agit d'un enfant un peu plus âgé que moi, donc c'est un enfant, ce n'est pas un adulte ...

Isabelle Sezionale

Et donc, vers 4 ans peut être, ça commence par des attouchements, des pénétrations digitales et puis avec des objets, etc. Voilà, donc je me vois. Je sais, je sais que c'est moi. Je me vois.

Isabelle Sezionale

Je suis comme en dehors de mon corps et je vois les scènes. Donc, on sait exactement maintenant comment ça s'appelle, que c'est de la dissociation. Moi, je n'en avais pas connaissance...

Éric Naulleau

Une forme de protection en fait ?...

Isabelle Sezionale

Voilà, c'est le cerveau qui met en place ce mécanisme pour supporter ce qui se passe. Donc, ça dure des années...

Isabelle Sezionale

Et je ne sais pas l'arrêter, voilà !

Éric Naulleau

Et est-ce, parce que ça dure pendant 10 ans.

Isabelle Sezionale

Oui.

Éric Naulleau

Est-ce que à un moment, vous en parlez à quelqu'un d'autre dans le cercle familial ou en dehors du cercle familial ?

Isabelle Sezionale

Alors... J'ai… Déjà, un passage assez éprouvant...

Isabelle Sezionale

C'est dans la cave et donc, ce jour-là, je dois m'asseoir sur une bouteille, et bien sûr que je vais avoir du sang dans ma culotte, et donc la nounou va voir cela et va me dire "je vais en parler à maman parce que c'est pas normal ». Voilà, voilà.

Éric Naulleau

Et la nounou ?

Isabelle Sezionale

Eh bien je ne sais pas, voilà ! Moi, je n'ai jamais eu d'échos après...

Isabelle Sezionale

Il y a une rédaction où j'exprime un petit peu ce qui s'est passé ce jour-là. Pour dater, je parle de la rédaction parce qu'elle permet de dater à peu près quand ça s'est passé puisque c'est antérieur. J'ai 10 ans quand j'écris ma rédaction.... Voilà !...

Éric Naulleau

Mais là quelqu'un est témoin... Mais est-ce que vous spontanément ?

Isabelle Sezionale

Témoin ??? Non il n'y a pas... il n'y a pas de témoin.

Interview d’Isabelle Sezionale sur C8

Mais, mais la nounou s'aperçoit de quelque chose?

Mais, mais la nounou s'aperçoit de quelque chose?

Isabelle Sezionale

Voilà, mais moi, je suis contente qu'elle va parler et puis, il ne se passe rien. Donc, ça n'enferme encore plus dans le silence. Voilà, puisque... Personne ne réagit.

Éric Naulleau

Est-ce que vous, malgré votre jeune âge, et j'imagine que vous étiez terrorisée, enfin complètement sous l'emprise de ces situations?

Isabelle Sezionale

Oui

Éric Naulleau

Vous vous tournez quand même vers quelqu'un d'autre de la famille ou en dehors de la famille ?

Isabelle Sezionale

Non, non, non pas là !

Isabelle Sezionale

Pas du tout à ce moment-là, pas du tout...

Christine Kelly

Et pourquoi, selon vous? Pourquoi, selon vous, à ce moment là justement, vous ne trouvez pas d'échappatoire, ou bien quelqu'un à qui parler ?

Isabelle Sezionale

Quand je suis.... D'abord, au départ je suis trop petite pour comprendre, donc je laisse, je laisse  faire...

Isabelle Sezionale

Le fait que la nounou dise qu'elle va en parler à maman parce que ce n'est pas normal... Je ne sais même pas moi la normalité. Moi, je la connais pas la normalité. Quand elle me dit qu'elle va en parler à maman parce que ce n'est pas normal et qu'il ne se passe rien pour moi, je suis remise dans cette normalité-là quoi .... Pour moi, voilà c'est comme ça que ça se passe...

Bruno Pomart

Quel âge vous aviez Madame ?

Christine Kelly

Entre 3 et 10 ans...

Isabelle Sezionale

Entre 4 et 14 ans

Bruno Pomart

D'accord.

Isabelle Sezionale

Entre 4 et 14 ans.

Christine Kelly

À quel moment vous êtes ? Si vous permettez ?

Christine Kelly

À quel moment vous êtes libérée? Ou bien vous avez réalisé que ce qui s'était passé était grave ? Parce que ça prend beaucoup de temps justement pour que ça puisse...murir...

Isabelle Sezionale

Alors là je vais vous expliquer que... Alors là ça va faire une cinquantaine d'années pour que je comprenne vraiment tout ça. Voilà, donc c'est ça ce qu'il faut comprendre c'est que je n'ai pas d'amnésie post-traumatique, donc je sais, qui c'est, je connais, je vois les actes et tout, mais la gravité des choses, l'affectif, etc. Là, c'est la catastrophe. Il va falloir vraiment un grand travail pour que j'arrive à ça.

Éric Naulleau

Peut-être on pourrait prendre quelques instants pour expliquer ce que c'est que l'amnésie post-traumatique, c'est que dans certains cas, les victimes, aussi par mécanisme de défense, oublient ou refoulent à tel point qu'elles ont l'impression de n'avoir jamais vécu ce qu'elles ont subi, mais ce n'est pas votre cas ?

Isabelle Sezionale

Non, ce n'est pas mon cas. J'ai toujours su ce qui s'est passé.

Le témoignage d'Isabelle Sezionale sur C8

Et c'est à partir de quand que vous

Bernard Laporte

Et c'est à partir de quand que vous, vous dites les choses?

Isabelle Sezionale

À 14 ans, déjà je lui dis « Il faut arrêter » voilà,  « là il faut arrêter ».

Éric Naulleau

Ce n'est pas lui qui, spontanément s'arrête, c'est vous qui  ?...

Isabelle Sezionale

Non mais attendez, ça ne va pas s'arrêter... Je lui dis qu'il faut s'arrêter. Mais lui, il va me faire chanter... Et le chantage, c'est incroyable....Il va dire je vais le dire à maman, je vais dire à maman tout ce que tu as fait, c'est moi qui suis … et donc la culpabilité, je l'ai en moi déjà depuis des années et bien sûr que là, ça m'accable... Donc voilà, donc ça ne s'arrête pas quoi. Voilà !

Isabelle Sezionale

Et moi, j'ai... Je vais avoir ce poids-là de ne jamais avoir été capable de faire arrêter, voilà...Donc je suis encore plus coupable. La honte et la culpabilité sont énormes en moi...

Éric Naulleau

En fait cette perversité a marché, vous ressentiez cette culpabilité...

Isabelle Sezionale

Ah bien oui... Moi j'étais sûre que... J'étais sûre... Ah oui c'est vrai.. J'étais sure... Ça aurait été catastrophique voilà !...

Éric Naulleau

Et quand on subit des choses aussi graves, aussi jeune... On imagine quand même que ça a des effets très forts sur une, sur une fillette, est-ce que vous aviez des, je ne sais pas des troubles du comportement ou des problèmes particuliers?

Isabelle Sezionale

Alors... Bon, à l'école, j'étais brillante donc ça n'a pas eu d'impact sur l'école, au contraire je me réfugiais moi, dans les mathématiques puisque j'ai fait des études de mathématiques. C'était vraiment, au contraire, mon havre de paix. J'étais détachée de tout le monde grâce aux études j'étais très bien, donc ça, ça a été ma chance en fait.

Christine Kelly

L'école ?

Isabelle Sezionale

Oui l'école. L'école oui, ça a été la chance, mais autrement, les cauchemars... Alors les cauchemars m'ont hantée plus de 50 ans, à hurler la nuit quoi, voilà...C'est vraiment les cauchemars.

Éric Naulleau

Vous les faites encore?

Isabelle Sezionale

Non,

Éric Naulleau

Non, c'est terminé...

Isabelle Sezionale

Non, parce que parce que j'ai fait un grand travail pour arriver, justement à comprendre tout ça.

Bruno Pomart

Il faut savoir que ce phénomène là d’inceste, est quand même exponentiel. J'en discutais encore tout à l'heure au téléphone avec Laurent Boyer, qui est un policier...

Christine Kelly

Que l’on connait bien...

Éric Naulleau

Que nous avons accueilli...

Bruno Pomart

Avec les papillons.org... Je discutais avec lui tout à l'heure des dispositifs qu'il est en train de mettre en place justement, pour faire parler les enfants, parce que la problématique c'est de parler... Et il me dit que c'est exponentiel, c'est à dire que dans les collèges, les lycées, les écoles primaires où il veut mettre en place les fameuses boîtes aux lettres pour que les gosses laissent quelque chose.

Bruno Pomart

D'abord, il rencontre, et là on va pouvoir en discuter tout à l'heure parce que les lois du Sénat, c'est sympathique. Mais après concrètement au terrain, comment ça se fait?

Bruno Pomart

L'Éducation nationale là-dessus est bloquée, j'espère que Blanquer nous entend ce soir. Adrien Taquet le sait, le ministre... C'est une catastrophe. Il faut qu'on libère la parole de ces enfants parce que ce que disait très justement madame, c'est une catastrophe. Faire parler les enfants pour dire exactement ce qui se passe, c'est très compliqué...

Éric Naulleau

On va aborder ce point tout à l'heure, mais je voudrais dire qu'en effet, Isabelle parle évidemment en son nom, mais au nom de beaucoup de personnes, parce qu'on a rassemblé quelques chiffres, environ un Français sur dix aurait été victime d'inceste, c'est dix pour cent des enfants, c'est à dire, c'est énorme, c'est colossal, 26% des Français connaissent au moins une personne victime d'inceste dans leur entourage. Chaque année, plus de 130.000 filles et 35000 garçons subissent des viols ou des tentatives de viol en majorité incestueux. Donc, il y a le double problème du viol et de l'inceste.

Éric Naulleau

Un agresseur sur quatre est mineur et en effet, comme vous le soulignez Bruno, ces chiffres ne font que monter depuis 2009 et contrairement à Isabelle, quatre victimes sur dix rapportent des épisodes d'amnésie et pour un tiers d'entre elles, ces épisodes d'amnésie ont duré plus de vingt ans.

Éric Naulleau

Alors après, il y a eu une autre étape très, très importante. C'est qu'une dizaine d'années après que ces faits de viol et d'inceste ont cessé, vous faites un livre.

Isabelle Sezionale

Une dizaine d'années? Non (sourire)...

Éric Naulleau

Ah je croyais que c'était à 25 ans que vous l'aviez fait ?

Isabelle Sezionale

Oh non, non, non

Éric Naulleau

C'était à quel âge ?

Isabelle Sezionale

Oh non, non, non... Moi à 21 ans je me marie, je fais des études, j'ai des études de math, donc mon mari s'en va à la naissance de mon premier fils, j'ai 24 ans et là, je parle, je parle à ma mère.

Isabelle Sezionale

Là, j'ose le dire à ma mère à 24 ans, voilà. J'ose le lui dire...

Isabelle Sezionale

Et le silence... Voilà !

Isabelle Sezionale

Elle ne me dit pas « ce n’est pas vrai ». Elle me dit pas « mais qu'est-ce que  tu racontes ? T'es folle? » Non, rien !

Isabelle Sezionale

Là c'est 24 ans.

interlocuteur

Vous arrivez à vous reconstruire toute seule, ou en faisant, en suivant des...

Isabelle Sezionale

Je vais vous dire vous dire comment j'ai fait ça.

Gaspard Gantzer

Ce qui est sidérant dans ce que vous racontez, c'est le parallèle qu'on peut voir avec le livre de Camille Kouchner dont on a beaucoup parlé. Elle raconte le dialogue qu'elle a avec son frère, où son frère lui dit « tu verras quand on leur dira, ils ne le nieront pas, mais ils s’en foutront ».

Bernard Laporte

Mais vous pensez qu'elle le savait ou pas ?

Isabelle Sezionale

Ben moi, j'ai jamais pensé qu'elle le savait, c'était trop compliqué pour moi, trop douloureux de penser que ma mère pouvait savoir. Mais bien sûr, après des années, 30 ans plus tard, 50 ans plus tard, avec la thérapie et tout, bien sûr, ma psy m’a dit « mais enfin, Isabelle, vous lui avait dit. Voilà, elle le sait, elle le sait ».

Éric Naulleau

Mais moi, je voudrais que quand même, on revienne un peu sur cette scène parce que j'ai quand même du mal à imaginer, que vous fassiez une révélation ou pas d'ailleurs, peut être le savait elle mais, vous dites quelque chose d'extrêmement important, d'extrêmement grave à votre mère. Elle garde un mutisme total. Elle vous regarde et elle ne répond pas du tout ?

Isabelle Sezionale

Oui.

Éric Naulleau

Elle ne revient jamais sur le sujet ?

Isabelle Sezionale

Non, ben moi, je reviens un petit peu de temps en temps...

Isabelle Sezionale

Je suis revenue sur le sujet lorsqu'il y a eu le livre de la belle fille de Montand, qui était paru dans les années 80.

Éric Naulleau

Encore une histoire de livres?

Isabelle Sezionale

Oui, bien sûr, parce que vous vous reconnaissez dans l'histoire et vous vous dites…bon et bien j'en avais discuté... Et ma mère m'a répondu que c'était d'abord « vraiment pas bien de dénoncer quelqu'un après sa mort » parce qu'il n'était pas là pour se défendre. Déjà voilà... « ce n'est pas bien ». Deuxièmement, « ces affaires là, ça se règlent en famille ».

Isabelle Sezionale

Et troisièmement, « dans notre famille, il ne s'est jamais rien passé ». Ça été la réponse de ma mère.

Éric Naulleau

Donc RAS !

Gaspard Gantzer

Et comment vous l'expliquez ça, avec le recul, j'imagine que vous y avez réfléchi?

Isabelle Sezionale

Oui ben...

Gaspard Gantzer

À sa réaction ?

Isabelle Sezionale

Et bien c'est difficile de répondre parce que je vais... Après, je suis obligée de... de dire qui c’est... C'est trop compliqué... Je ne préfère pas...

Éric Naulleau

Je reviens à la question.

Thierry Cheze

Et vous cherchez des appuis chez d'autres gens de la famille ?

Isabelle Sezionale

Non, non, non... Parce que je sais que c'est un mur en face...

Christine Kelly

Isabelle, qu'est-ce qui fait? Qu'est ce qui fait, qu'à l'époque, qu'est ce qui aurait pu vous aider, à l'époque? À 3 ans, à 5 ans, à 10 ans? Qu'est ce qui aurait pu vous aider?

Éric Naulleau

C'est très important parce qu'on se demande ce qui pourrait aider les victimes présentes et les futures victimes. Donc, qu'est-ce qui vous aurait aidé? Qu'est ce qui n'existait pas à l'époque, qui pourrait ?...

Isabelle Sezionale

Déjà, à l'époque...

Isabelle Sezionale

Il y avait quand même une certaine... Les mentalités étaient quand même bien pires qu'aujourd'hui. Il faut voir le contexte.

Isabelle Sezionale

Quand je parle des années 70...c’était une catastrophe. Moi, j'étais là dedans...

Gaspard Gantzer

Merci Dolto.

Christine Kelly

Ensuite, peut-être quand vous étiez plus jeune, peut être un livre sort... Ça vous permet de parler à un autre adulte?

Isabelle Sezionale

J'ai, je ne sais pas quel âge quand sort le livre de la belle fille de Montand. Oui, un livre m'a bien aidé... Voilà, c'est ça. Oui, bien sûr.

Éric Naulleau

Alors, je voudrais maintenant qu'on en vienne au livre et on va répondre à la question de Bernard parce qu'il y a un scandale dans le scandale d'abord... Qu'est-ce qui vous... Qu'est-ce qui vous fait passer à l'acte de l'écriture?

Isabelle Sezionale

Donc, ce que je veux dire c'est que ce que j'ai fait, j'ai cru faire vraiment bien. Et c'est pour ça que je suis heureuse de témoigner pour dire que c'était pas la solution, ça marche pas... J'ai essayé de mettre tout ça de côté.

Isabelle Sezionale

Donc j'ai mis tout ça de côté et j'ai construit ma vie et j'ai fait une carrière. J'ai un doctorat de math. J'ai fait une carrière à IBM, dans une multinationale. J’ai eu des enfants. J'ai eu deux maris.

Isabelle Sezionale

Bon évidemment là c'était plus chaotique. Mais bon, voilà. Mais c'était quand même dans la construction, je pensais bâtir quelque chose. On ne bâtit pas sur du sable, donc c’est pas terrible quand même...

Éric Naulleau

Donc, ce que vous dites, c'est qu'il ne faut pas le garder pour soi.

Isabelle Sezionale

Eh bien non, parce que...

Éric Naulleau

Ça ne marche pas !?

Isabelle Sezionale

Eh bien, quand vous êtes mal construit comme je l'étais, si vous restez comme ça, mal construit, eh bien les relations avec les autres elles sont particulières. Les gens que vous recherchez sont particuliers. Enfin, tout ça, tout ça est compliqué.

Éric Naulleau

Qu'est-ce que vous voulez dire par là, qu'on cherche des gens particuliers? Quand on a subi, on cherche ?...

Isabelle Sezionale

Je ne sais pas ! ( sourire)

Éric Naulleau

Vous cherchez...

Isabelle Sezionale

Je ne répondrais pas trop non plus,

Éric Naulleau

Non mais on cherche…Soyons vagues... Vous cherchez une autre figure familiale où on cherche des équivalents de ...

Isabelle Sezionale

Non, non, c'est à dire qu'on ne comprend pas trop. L'amour, c'est compliqué l'amour. Vous comprenez... Vos parents, en tout cas votre famille vous a donné un amour qui est très, très particulier, qui est très toxique...

Éric Naulleau

Criminel.

Isabelle Sezionale

Vous, l'amour c'est plutôt quelque chose de toxique, voilà !

Bernard Laporte

Justement Isabelle, une question qui est très difficile à poser, mais j'ai envie de vous la poser parce que je suis convaincu que beaucoup veulent vous la poser... La sexualité pour un homme, pour une femme, c’est important dans son épanouissement...

Isabelle Sezionale

Oui, oui...

Bernard Laporte

Est-ce que vous pensez que malgré tout ça, vous avez un épanouissement  dans votre sexualité normal après, ou pas, pas du tout?

Isabelle Sezionale

C'est à dire que moi, je m'en foutais complètement. (sourire)  Je pouvais coucher, c'était pas un problème, voilà c'est ça... Ben oui...

Éric Naulleau

Lié à ce traumatisme, à ces agressions ?

Isabelle Sezionale

Forcément, forcément... Vous êtes dans la dissociation pendant des années. De toutes les façons votre corps, c'est pas...

Éric Naulleau

Bien sûr.

Bruno Pomart

Mais, il y a une chose qui est importante dans ce que dit madame. Dans les années où ça lui est arrivé, il n'y avait pas toutes les aides. Il y a quand même beaucoup de choses qui ont été faites depuis. Malgré que ce soit exponentiel la problématique, il y a beaucoup de choses qui ont été faites.

Éric Naulleau

Oui mais enfin, il y a beaucoup à faire encore... Il y a beaucoup de gens qui ont pas l'air de savoir vers qui se tourner, alors vraiment...

Bruno Pomart

Mais il y a des dispositifs, j'étais cet après-midi avec le ministère de l'Intérieur à en discuter, sur les structures de proximité...

Christine Kelly

Monsieur a enquêté ( sourire)

Bruno Pomart

Et encore une fois, la police est là pour ça aussi en même temps. Gendarmerie, police, etc. Il y a une mise en place des salles qui ont été copiées sur un modèle canadien qui est la salle Mélanie, pour accueillir les enfants justement, qui sont violés, qui sont tripotés, enfin bref, des choses abjectes. Et le ministère de l'Intérieur, là-dessus a bien travaillé, je pense avec la gendarmerie d'ailleurs, il y a une quarantaine de centres en France comme ça qui qui travaillent assidument.

Bruno Pomart

Mais encore une fois, la problématique est exponentielle et ça, c'est un vrai sujet. Donc il faut essayer de faire parler les gamins, mais après il faut s'appuyer sur les associations. On parle des papillons.org, voilà, il y a des associations...

Éric Naulleau

Il faut savoir où les joindre et où elles sont...

Éric Naulleau

Je vous posais la question sur le livre, juste le livre et ensuite on continue...

Isabelle Sezionale

Oui j'en étais où alors ?... .

Éric Naulleau

Moi, je voulais savoir ce qui vous a décidé à faire ce livre et pourquoi vous l'avez fait ?

Isabelle Sezionale

Ce n'est pas une décision.

Éric Naulleau

D'accord.

Isabelle Sezionale

Je n'ai jamais pensé écrire, j'ai une carrière scientifique, donc je n'étais pas là-dedans du tout. Et puis, mon deuxième mari ... Il y a une rupture. Et donc, j'ai 54 ans, ou 55 ans et là, ce que j'ai vécu là, physiquement, c'est incroyable et là, c'est quelque chose qu'on connaît bien aussi aujourd'hui...

Isabelle Sezionale

Vraiment là vous revivez tout ce que vous avez vécu. C'est à dire que je rentrais chez moi, j'avais la déchirure et tout qui s'échappait de la déchirure. Cette sensation là, ce n'était pas vrai, mais cette sensation de revivre, vraiment. Voilà vous vivez le viol. C'est ça ce qu'on appelle revivre le viol, en fait, je n'ai pas compris ça, mais j'avais vraiment l'impression que toutes mes entrailles s'échappaient de mon ventre et sans arrêt, ça devenait insupportable.

Isabelle Sezionale

J'avais à la rupture, j'avais consulté un médecin (parce que je voulais dormir, je n'arrivais plus à dormir), qui a compris, heureusement, voilà j’ai eu un médecin qui a compris qu'il y avait quelque chose et qui m'a envoyé chez la thérapeute d'en face.

Isabelle Sezionale

J'ai entamé une thérapie, que j'ai refusée d'ailleurs au départ parce que je n'avais pas... Je pensais n'avoir aucun problème. Voilà, c'est ça, vraiment le déni le plus total. Je n'avais aucun problème, quand elle me dit « parlez moi de votre enfance », je dis « bon on va passer là-dessus ». Et là, elle me dit « je peux vous aider ». Moi, je n'y crois pas une minute, mais rien ! Mon problème : « mon mari est parti, point. C'est tout quoi, voilà c'est tout ! »

Isabelle Sezionale

Et donc, je laisse un peu tomber tout et là, je vais, je ne sais pas pourquoi, je vais amener un ami là où j'habitais petite, voilà... Et lui se met à sonner. Je me dis : « il est complètement fou ». Il sonne à la porte et on rentre dans cette villa qui est une villa somptueuse au bord de la mer et la vieille dame, c’est une vieille dame, nous fait … Mes parents, bien sûr, n'habitent plus là, on a déménagé depuis 30 ans, voilà ou 40 ans, je ne sais plus...Et donc, elle me fait visiter.

Isabelle Sezionale

Elle nous fait rentrer. Je vais... On va à l'étage, donc déjà, les souvenirs au départ, ça va, on va à l'étage et je ne vois plus la chambre, la chambre, voilà.... Et là je me suis dit, alors je suis folle, là j’ai mis en doute tout, toutes ces images que j'avais, bon ben « là je suis folle ». Et puis, en fait...

Isabelle Sezionale

Elle était fière, elle nous montre qu'ils avaient agrandi la chambre parentale et qu'ils avaient absorbé l'autre chambre...

Éric Naulleau

Qui avait cessé d’exister...

Isabelle Sezionale

Et là, je rentre chez moi. Bon lui, il s'en va, il habitait loin et je rentre chez moi, et là, je me mets à écrire... En quatre mois, j'ai écrit. C'est le premier livre que j'ai écrit en 2012, J'ai écrit...

Isabelle Sezionale

Et au fur et à mesure que j'écrivais, je ne pensais pas écrire ça en plus. Je pensais, j'ai écrit ma vie. Voilà, c'est tout.

Éric Naulleau

Puisqu'il nous reste quelques secondes avant la coupure, pour répondre à l'interrogation de Bernard, tout à l'heure. Il se trouve que vous avez été condamnée pour ce livre. Alors là, ça mérite une explication.

Isabelle Sezionale

Non, mais c'est à dire que mon livre...

Éric Naulleau

C'est à la fois choquant et…

Isabelle Sezionale

Mais non, mais c'est normal. Mon livre, donc j'ai écrit, et là je suis accompagnée avec ma psy qui m'aide à prendre la décision de publier ce livre en mon nom. J'ai donc publié ce livre en mon nom propre. Donc en mon nom propre, il y a les noms de tout le monde, il y a tout, et, je n'ai pas le droit de faire ça...

Isabelle Sezionale

J'ai pris cette décision sachant très bien que j'étais hors la loi. Voila...

Éric Naulleau

Parce que les faits étaient prescrits.

Isabelle Sezionale

Les faits sont prescrits...

Isabelle Sezionale

Vous n'avez pas le droit de faire ça.

Bernard Laporte

Ah, vous ne vouliez pas de pseudo ?!

Isabelle Sezionale

J'ai fait ça en connaissance de cause.

Éric Naulleau

Vous étiez …

Isabelle Sezionale

Ben c'était ma vie... J'étais en train de mourir...Je voulais me la réapproprier, voilà!

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